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Garantie emprunteur : Touche pas au grisbi !

Depuis que les assurances convoitent la garantie emprunteur, les banques voient rouge. Panorama d’un règlement de comptes à OK Corral.

L’année 2018 marquera une victoire pour les assureurs : l’ouverture du marché de l’assurance emprunteur, un marché se chiffrant à 9,1 milliards d’euros de cotisations encaissées en 2017 (chiffres publiés par la Fédération Française de l’Assurance) que se partagent principalement les établissements bancaires détenteurs de 84,5% du marché… ne laissant ainsi que 15,5% du marché aux assureurs. Un comble pour ces derniers qui, après avoir rédigé les contrats d’assurance emprunteur pour les banques, se sont vus écartés du marché à mesure que celles-ci se sont investies dans l’activité d’assurance.

Depuis 2015, le marché de l’assurance emprunteur profite de la reprise des transactions immobilières ainsi que des taux d’intérêt historiquement bas.

Un dynamisme qui suscite la convoitise des acteurs du monde de l’assurance, d’autant plus que ceux-ci ont obtenu du Législateur des dispositions favorables pour leur permettre d’aller concurrencer les banques sur leur terrain :

  1. La loi Lagarde de 2010 leur facilitant l’accès au marché,
  2. La loi Hamon qui, depuis le 26 juillet 2014, permet aux assurés de changer d’assureur emprunteur durant les 12 mois d’acceptation de leur offre de prêt,
  3. La loi du 21 février 2017, dite loi Sapin II, qui autorise depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2018 le changement d’assureur à chaque échéance annuelle, et ce pendant toute la durée du crédit immobilier.

Mais les banquiers ne désarment pas. Désireux de voir invalider la loi Sapin II - faute d’avoir pu empêcher son adoption - la Fédération Bancaire Française a saisi en octobre 2017 le Conseil d’Etat pour en contester la constitutionnalité auprès du Conseil Constitutionnel. Par une décision du 12 janvier 2018, le Conseil Constitutionnel a finalement débouté la Fédération Bancaire Française et confirmé la constitutionnalité de cette disposition.


1) L’Empire contre-attaque : les critères CCSF

Malgré cette passe d’arme, les banquiers continuent le combat sur le terrain de la relation client.

Ainsi, les conditions pour changer d’assureur restent floues aux yeux de bon nombre d’emprunteurs.

A l’origine de cela, le droit de regard de l’établissement prêteur sur les garanties proposées par l’assureur externe qui doivent être de niveau équivalent à celles qu’il demande dans le cadre du prêt immobilier.

Le banquier dispose de 18 critères définis par le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF). Chaque établissement bancaire peut fixer un maximum de 11 critères, complétés le cas échéant de quatre critères (au plus) portant sur la garantie perte d’emploi.

Chaque agence locale dispose du libre choix de ses critères mais pour éviter tout abus, elles ne peuvent changer de critères qu’une fois par an et doivent en assurer la publicité.

Des obligations qui contraignent les assureurs à un fastidieux travail d’investigation pour répondre au plus près aux exigences des banques tout en dissuadant l’emprunteur de changer d’assureur.

 

2) « Ça, c'est du plan de bataille ! »

Toutes ces évolutions, tant légales que juridiques, bouleversent en profondeur le marché de l’assurance emprunteur, qu’il s’agisse des acteurs, des produits voire des prestations de service… et va donc amplifier la rivalité entre banques et assureurs tout en fournissant aux protagonistes trois leviers d’action : tarification, simplification, modularité.

L’entrée en vigueur de la loi Sapin II a provoqué, chez l’ensemble des acteurs du marché, un nouveau positionnement tarifaire. Il s’agit pour les banques, d’aligner leurs tarifs sur ceux des assureurs afin d’éviter que l’emprunteur ne souscrive ailleurs une assurance, la différence de primes d’assurance de l’un à l’autre pouvant s’élever jusqu’à 25% du coût du crédit. De plus, l’ouverture du marché de l’assurance emprunteur met aussi en concurrence les assureurs entre eux, chacun souhaitant profiter au maximum de l’ouverture du marché à la concurrence pour se diversifier.

Mais voilà que le Ministère de l’Economie annonce pour 2019, un élargissement de l’assiette fiscale de la TSCA (Taxe Spéciale sur les Conventions d’Assurance) touchant les assurances de prêts immobiliers.

Initialement fixée à 9% des primes versées au titre de la garantie incapacité de travail, perte d’emploi et une partie de l’invalidité, l’assiette taxable sera désormais étendue à la Garantie Décès pour tous les contrats conclus à partir de 2019. Une mesure qui provoque la colère des assureurs, pour qui cette mesure dissuadera toute démarche de délégation d’assurance, de crainte de souscrire plus cher un contrat d’assurance davantage taxé.

En outre, si cette mesure fiscale n’impacte que faiblement le taux de marge des banques (qui pourront donc maintenir leurs tarifs), elle imposera aux assureurs une augmentation des cotisations, réduisant donc leur compétitivité face au secteur bancaire.

L’une des clés pour profiter de cette ouverture consisterait à alléger les démarches de l’assuré pour lui rendre le transfert d’assurance plus facile. Et pour ce faire, à chacun sa manière : allègement des formalités, dématérialisation de la souscription grâce à l’outil digital… Un outil digital qui permet aux acteurs du marché de l’assurance emprunteur de proposer des formules à la carte, comme cela existe déjà dans le monde de l’IARD pour l'assurance auto.

 

3) La stratégie des assureurs : conquérir

 Puisque la part la plus importante du marché de l’assurance emprunteur se trouve entre les mains des banques, les assureurs n’ont pas le choix : ils doivent conquérir des parts de marché. Y compris en allant démarcher les emprunteurs ayant souscrit leur assurance auprès de leur établissement bancaire.

A certains égards, les assureurs se trouvent en position délicate. Le principal frein à la délégation d’assurance vient aussi de l’emprunteur. Si, aujourd’hui, 60% des Français savent qu’ils peuvent changer d’assurance de prêt immobilier, seuls 22% d’entre eux en connaissent les conditions exactes. Parmi eux, une importante population d’emprunteurs âgés de moins de 35 ans, qui imputent cette méconnaissance aux contraintes que leur imposent la banque dans laquelle ils ont contracté le crédit.

Les assureurs vont devoir leur expliquer, par des campagnes de communication grand public ou personnalisées, quoi faire et comment le faire. A moins qu’ils optent pour des partenariats avec des acteurs extérieurs à leur marché.

Pour estomper ces points faibles, les assureurs rempliront leur mission d’accompagnateurs de leurs clients. A cet égard, ils exploiteront avec profit  les ressources que leur fournit l’outil numérique. Parmi elles, la possibilité d’interagir avec les moins de 35 ans précédemment évoqués grâce à des applications leur permettant de souscrire une assurance emprunteur à un taux plus favorable grâce à un processus digitalisé et moyennant un comportement donné (comme la pratique d’une activité sportive, une démarche mise en place par la société AFI ESCA, lui valant l’obtention du Trophée de l’Innovation PROFIDEO).

 

4)  La stratégie des banques : conserver

Le temps est au beau fixe pour les banques : les taux d’intérêt des crédits à l’habitat restent à un niveau historiquement bas. Combinée à l’amélioration du pouvoir d’achat et aux faibles rendements des principaux produits d’épargne, cette situation a encouragé les ménages à investir dans la pierre. Une tendance qui a profité à l’assurance de prêt. Mais l’ouverture du marché de l’assurance crédit oriente désormais les banques vers la conservation de leurs parts de marché.

Une conservation qui leur est grandement facilitée : malgré les changements législatifs, la banque reste la porte d’entrée de l’accès au crédit immobilier, sur lequel est adossé l’assurance emprunteur. En outre, elle bénéficie de l’équivalence des garanties imposées par le Législateur par laquelle l’offre d’assurance emprunteur alternative à celle de la banque doit présenter au minimum des conditions équivalentes.

Il reste que le monde bancaire devra fidéliser ses assurés emprunteur de moins de 40 ans, en bonne santé et ayant souscrit un capital important.

Une manne qui représente le tiers des du portefeuille des enseignes bancaires et que pourrait bien courtiser les assureurs en leur promettant des tarifs plus attractifs. Et des assurés emprunteurs qui pourraient être tentés de mettre en concurrence le monde de la banque et celui de l’assurance pour voir lequel des deux leur proposera l’offre la plus intéressante.

Face à cette menace, les banques devront donc s’appuyer sur leur longue expérience pour conserver la confiance de ces clients si précieux, tout en leur proposant des formules individuelles avec des garanties étendues à des prix compétitifs.